Vigne d’altitude et vin de conviction
Le vin comme acte de foi
À 550 mètres d’altitude, sur les hauteurs du Roussillon, Cyrille et Céline Gaubert façonnent des vins de garde au Domaine des 3 Orris. Un terroir de schistes et de granit, trois cabanes de bergers en pierre comme emblème, et une philosophie : conjuguer exigence, authenticité et respect du vivant.



Le ciel pour la terre
Avant de parler de vin, il faut parler d’avions. Car Cyrille Gaubert n’est pas né vigneron. Pendant vingt- cinq ans, il a réglé les entrailles électro-mécaniques des avions d’Air France, à Paris. Jusqu’à ce que l’appel du terroir, et peut-être celui d’une vie plus incarnée, le poussent à tout quitter en 2012. Plan de départ volontaire en poche, il choisit Perpignan et les pentes granitiques des Aspres. Là, il se forme, apprend sur le tas, guidé par un chef de culture aguerri. En 2016, avec son frère Xavier, il reprend un domaine tenu depuis 2003 par un Hollandais un peu visionnaire, déjà converti au bio. Le Domaine des 3 Orris est né une deuxième fois.



Trois orris pour une histoire
Le nom n’est pas un effet de style. Trois orris, ces cabanes de bergers en pierre sèche, ponctuent encore le paysage. Comme un rappel humble que la montagne était, avant le vin, terre de transhumance et de pastoralisme. Aujourd’hui, 13 hectares de vignes s’étendent sur ce plateau perché, bientôt rejoints par quelques parcelles supplémentaires. Tout autour, 43 hectares de landes préservées. On vendange tard, jusqu’en octobre, car ici, la maturité se fait lente. Les vieilles vignes de Carignan – certaines plus que centenaires – donnent des rendements maigres mais une profondeur rare.
Une entreprise familiale
Le domaine n’est pas une aventure solitaire. Cyrille veille aux vignes et aux vinifications, Céline s’implique à la commercialisation, le frère gère les finances et la belle-sœur avocate en Suisse s’occupe du juridique. Un quatuor qui avance avec patience et conviction. Récemment, l’ouverture de gîtes est venue compléter l’activité : accueillir, partager, diversifier les revenus sans trahir l’esprit de la maison.



L’esprit Carignan
Ici, tout commence et finit avec le Carignan. Noir, surtout, mais aussi blanc, préservé comme un trésor. C’est le fil rouge, la colonne vertébrale, la trame identitaire. Àsescôtés: Syrah, Grenache, un soupçon de Viognier demandé par les fidèles. L’altitude apporte fraîcheur, tension, une buvabilité inattendue dans ces terres méridionales. Les vins se tiennent, se gardent, s’équilibrent. Ils respirent le lieu.
Rien n’est laissé au hasard. Vendanges manuelles en caissettes, macérations lentes en foudres, élevage patient en barriques de 500 litres, renouvelées par tiers chaque année. Les cuvées haut de gamme patientent jusqu’à 28 mois sous bois, avant de livrer leur équilibre. “On cherche des vins de garde, mais toujours lisibles, toujours fidèles au millésime”, confie Cyrille. La cuvée Horizon, Carignan majoritaire, boisée juste ce qu’il faut, incarne cette philosophie : fruit, structure et promesse de vieillissement.



Le pari du haut de gamme
À peine 15 000 à 20 000 bouteilles sortent chaque année de la cave. Une goutte d’eau face aux mastodontes du secteur, mais une goutte rare, précieuse. Le marché est clair : gastronomie française, cavistes, un peu de Luxembourg et de grandes villes. Les prix disent l’ambition : rester accessible, mais viser les tables qui savent. Peu d’export : “Pas les volumes”, admet Cyrille. Mais une place choisie, assumée, dans le paysage des vins de garde du Roussillon.
Des vins qui racontent un lieu
On boit un verre du rosé médaillé d’or, jugé “trop coloré” pour le marché mais merveille de fruit et de fraîcheur. On goûte un rouge boisé, ample mais tenu. On retient surtout cette identité : la fraîcheur inattendue, la profondeur, l’élégance minérale. Les vieilles vignes et l’altitude travaillent en silence. Les 3 Orris, c’est la preuve qu’un vin peut être le reflet exact de son paysage : minéral, lumineux, un peu sauvage.

Une histoire partagée
Le chef Julien Blaya ne s’y est pas trompé : il a choisi le Domaine des 3 Orris pour le faire figurer sur sa carte. Une reconnaissance précieuse dans un univers où gastronomie et vignoble dialoguent. Là encore, le fil conducteur est le même : exigence, sincérité, recherche de l’équilibre.
Bio, mais surtout sincère
Le bio est ancien ici, acquis depuis 2006, certifié depuis la reprise. Mais Cyrille n’en fait pas un argument marketing : “C’est surtout une question de respect. On doit être garants de ce paysage”. Une philosophie simple, presque paysanne : produire du vin, oui, mais pas au prix de la nature qui l’a rendu possible.
À la recherche du bonheur
Au fond, Les 3 Orris racontent moins une reconversion qu’une quête. Quitter le ciel pour revenir à la terre, apprivoiser un terroir rude et lumineux, façonner des vins patients, partager une aventure familiale. On repart du domaine avec l’impression qu’ici, tout – la pierre sèche, les vieilles souches tordues de carignan et la vue presque mystique sur le Canigou – conspire à chercher ce que l’on appelle simplement “le bonheur”.
Domaine des 3 Orris
Route de Marcevol – 66320 TARERACH
WWW.3ORRIS.COM


















