Formateur à Purple Campus, Éric Mauchaussé a traversé quatre décennies de restauration haut de gamme, de Paris à Philadelphie. À l’heure de la transmission, il revient avec émotion sur son parcours, son engagement pour les arts de la table à l’occasion d’une rencontre à La Balette en compagnie du chef étoilé Laurent Lemal. Une leçon de passion, d’humilité et de mémoire.
Un destin né à Meursault
Dès l’âge de sept ans, Éric Mauchaussé sait qu’il veut être cuisinier. Aucun modèle familial, juste une évidence, née à table, un jour à Meursault. Pourtant, c’est un professeur de salle au lycée hôtelier Simone Weil à Dijon qui le détourne de ses premières amours pour lui transmettre une passion inaltérable : l’art du service. Le vrai. Celui qui va bien au-delà du simple “poser une assiette”.
De Paris à Londres, l’école de la rigueur
Formé au Grand Véfour chez Raymond Oliver, puis au Gavroche à Londres, il enchaîne les maisons mythiques : Lasserre, Baumanière, et même une aventure de trois ans pour ouvrir un palace à Londres. Chaque adresse est une brique dans l’édifice d’une vie vouée à l’exigence, à la précision et à une certaine idée du raffinement. Le genre de parcours où l’on commence en portant les assiettes et où l’on finit par diriger les établissements.
Jersey, Philadelphie, Arles : l’itinérance au service du sens
Après avoir dirigé la brasserie Nord-Pinus à Arles, l’île de Jersey l’appelle, puis Philadelphie. Il travaille pour des maisons tenues par d’anciens de Baumanière, preuve que les réseaux solides se tissent dans la chaleur des cuisines et la tension des services. Pourtant, il revient toujours. Pour la famille, pour l’équilibre. “À un moment, il faut penser à autre chose qu’au métier”, confie-t-il, sans regret mais avec gravité.
Le coup de cœur catalan
C’est presque par hasard – ou par destin – qu’il atterrit à Perpignan à la fin des années 1990, après un aller-retour éclair depuis Jersey pour rencontrer André Duflot à la Villa Duflot. Moins de 24 heures plus tard, il accepte le poste. Il y restera vingt ans, dont quinze aux côtés de Michel Védrines, disparu récemment, auquel il rend un hommage bouleversé. “Ce sont les plus belles années de ma carrière. C’était dur, mais c’était magique.”
Transmettre, ou la revanche de la salle
Depuis 2019, Éric Mauchaussé est formateur au Purple Campus de Perpignan. CAP, BP, restaurant d’application, TP, flambages, découpages : il redonne vie à des gestes oubliés et plaide pour une vision élargie du métier. “Servir, ce n’est pas juste poser une assiette. C’est connaître la cuisine, savoir parler d’un vin, raconter une recette.” Il observe avec lucidité les écarts générationnels. Peu d’élèves en salle, beaucoup plus en cuisine. Une désaffection qu’il tente de compenser par la passion, la rigueur, et une pédagogie nourrie par l’expérience. “J’ai envie qu’ils aient une vision plus large, qu’ils comprennent la noblesse du geste.”
Les Toques Blanches, un levier essentiel
Pour lui, l’action des Toques Blanches est primordiale. Il salue le travail de Jean Plouzennec et l’énergie de l’association à faire rayonner la gastronomie catalane au-delà des frontières. Il évoque les débuts discrets – “la Mostra” au Clos des Lys – et les avancées concrètes, notamment l’inclusion croissante des arts de la table. “Ce ne sont plus seulement les chefs. Il y a les vignerons, les producteurs, la salle. C’est une belle dynamique. ”
Et après ?
Le 1er juillet, Éric Mauchaussé prendra officiellement sa retraite. Mais difficile de croire qu’il disparaîtra du paysage gastronomique local. Il envisage déjà de s’investir davantage dans l’association, d’accompagner des jurys, de faire des interventions ponctuelles au centre de formation. Parce qu’on ne se défait pas de 45 ans de passion comme on raccroche un veston. “C’est ma vie. Je ne pourrai pas faire autrement.” Il le dit sans emphase. Juste avec cette sincérité désarmante qui résume si bien son parcours.