Producteur : Olivier Gaurenne, l’élevage transhumant au cœur des Pyrénées

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C’est à l’invitation du chef François Will, de La Chaumière à Font-Romeu – qui travaille depuis de longues années avec les viandes d’Olivier Gaurenne et soutient profondément son approche –, que nous sommes allés à la rencontre de cet éleveur emblématique de Cerdagne. À 1 600 m d’altitude, Olivier Gaurenne élève ses vaches limousines dans le respect du terroir et des saisons. Président de la Coopérative Catalane des Éleveurs qui a créé la marque Transhumància, il allie transhumance, élevage de qualité et transmission d’un savoir-faire authentique, où chaque animal bénéficie d’attention et d’un lien unique avec son éleveur.

À Saint-Pierre-dels-Forcats, l’air est vif et la montagne impose son rythme. Depuis son installation en 2000, Olivier Gaurenne, éleveur et moniteur de ski, a transformé lamontagne catalane en un lieu de vie pour ses vaches limousines et pour lui-même. “Être éleveur, c’est un mode de vie, c’est tous les jours. Mais pour nous, passionnés, ce n’est pas une contrainte”, explique-t-il.

Au départ, le troupeau comptait onze bêtes, dont de 120 éleveurs catalans et de quelques producteurs des départements voisins. Sa philosophie : “un territoire, des bêtes, un homme”. Les animaux vivent majoritairement en montagne et s’alimentent naturellement dans les estives. “Ils sont dehors huit mois sur douze, et le reste du temps en étable”, précise Olivier.

La production se concentre sur la viande de qualité : le veau primeur, élevé au lait jusqu’à cinq ou six mois, et les génisses, élevées trois ans pour la viande rouge. Leur alimentation : foin et compléments céréaliers si nécessaire. Olivier souligne le lien qu’il entretient avec ses animaux : “Économiquement, il faut que ça tourne. Cela ne veut pas dire qu’on n’aime pas nos animaux, c’est le principe même de l’élevage”. La vie sur l’exploitation suit le rythme des saisons. L’hiver, le troupeau reste en étable, avec des sorties journalières selon l’enneigement. Les vaches et les veaux bénéficient d’un contact quotidien : “On rentre avec les veaux, on rentre avec les vaches. Quand le temps le permet, ils profitent du soleil et du grand air”.

Au printemps, le troupeau pâture autour de Saint-Pierre et Planès, avant de monter en été jusqu’à 2 000 ou 2 300 m dans les pâturages de haute montagne. Le choix de la race limousine n’est pas anodin. Ces vaches robustes, adaptées à l’altitude, permettent de travailler avec un troupeau calme et manipulable. La génétique et la transmission des savoirs sont centrales : les mères connaissent les estives et transmettent ces parcours à leurs filles, qui apprendront à leur tour à évoluer dans ces espaces. L’élevage est ici un mode de vie où rusticité et savoir-faire se mêlent. La montagne est un acteur à part entière.

Par temps clair, on aperçoit la mer au loin, derrière l’axe Barcarès-Leucate. Le patrimoine local, comme la sécherie de graines de La Cabanasse ou l’église unique de Planès, témoigne d’un territoire riche et fragile, qu’Olivier s’attache à préserver. Pour lui, l’installation des jeunes éleveurs reste un défi. “Sur notre département il y a pas mal de jeunes, c’est assez dynamique ; la relation avec les établissements Guasch y participe, mais la moitié des éleveurs en France ont plus de 55 ans. La culture paysanne se perd, et avec elle le lien avec la nature et les savoirs essentiels. Les agriculteurs ne pourront plus nourrir la France. En dix ans on a perdu un million de vaches. D’ici 2030, un autre million”, constate-t-il.

Dans ce contexte, la marque Transhumància valorise le territoire et le travail des éleveurs grâce à son cahier des charges : circuits courts, respect du rythme naturel des animaux et attention à leur bien-être. À terme la marque aura cinq boutiques, Lézignan-Corbières, Narbonne, Hères, Font-Romeu et une boutique à Vinça. Mais les contraintes administratives et sanitaires ne sont pas à écarter. “Le massif du Canigou est frappé par la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC), après la Savoie et le Jura. Plusieurs lots ont dû être abattus par précaution, et l’ensemble des bêtes ont dû être vaccinées. Pour limiter les risques, les animaux ont été répartis en lots distincts. Mais la vraie problématique avec l’abattage, c’est la perte du travail de sélection génétique. Le public ne se rend pas compte, mais l’estive c’est vraiment le moteur de notre métier. Une estive a toujours ses particularités, et les bêtes se les transmettent entre elles. Les mères montent, les filles suivent et apprennent pour transmettre aux prochaines génisses. Alors sur des secteurs où des troupeaux entiers ont été abattus… pour recréer cela, il va falloir des années. Et avec des lots de vaches qui vont être achetés ailleurs, donc des bêtes qui ne sont pas du coin, et par conséquent non adaptées à leur milieu. Tu repars complètement de zéro…” Cette relation intime avec la montagne est également ce qui attire des chefs comme François Will, qui défend avec conviction ces filières locales et met à l’honneur, dans sa cuisine, l’éthique et la qualité que représente le travail d’Olivier. Être éleveur n’est pas seulement un métier : c’est un engagement quotidien, un mode de vie. Et c’est bien ce qui fait toute la différence.

WWW.TRANSHUMANCIA.FR

 

“Olivier Gaurenne conjugue transhumance et éthique : sa viande catalane raconte la montagne.”