François-Xavier Demaison, un épicurien tombé amoureux des Pyrénées-Orientales.
Il a ce sourire franc et ce regard rieur qui trahissent à la fois malice et humanité. François- Xavier Demaison, c’est l’art de faire rire sans jamais se cacher derrière la facilité. Ancien fiscaliste reconverti en comédien par un virage aussi radical que sincère, il a su imposer une voix singulière dans le paysage du rire français : celle d’un homme qui observe, avec bienveillance et précision, les absurdités de nos vies.
Sur scène comme à l’écran, il alterne légèreté et profondeur, gourmandise et gravité. Derrière le jeu, il y a un sens aigu de la vérité. Rencontre avec un acteur qui a fait du rire un langage universel – et de la lucidité, une forme de tendresse.
Des tours de New York aux planches de théâtre parisiennes
Fasciné par la comédie dès son plus jeune âge, François-Xavier Demaison suit la classe libre des Cours Florent tout en poursuivant ses études. Diplôme en poche, il entame une carrière dans la fiscalité internationale à New York, puis abandonne son activité au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 pour revenir à ses premières amours, le théâtre.
En 2002, il monte sur scène pour la première fois au Théâtre du Gymnase. L’acteur Samuel Le Bihan, présent à ce showcase, est séduit et décide de produire son spectacle.
Il poursuit sa carrière avec succès entre cinéma et one man show. Il décroche son premier rôle important au cinéma dans Coluche, l’histoire d’un mec réalisé par Antoine de Caunes. Il sera nommé au César du meilleur acteur en 2009 pour cette prestation. Depuis, il enchaîne les rôles avec une filmographie impressionnante.
Sur les planches du Théâtre Édouard VII, il partage la scène avec Patrick Timsit dans La Famille, nouvelle création de Samuel Benchetrit en 2024 et 2025, et démarre une tournée dont le succès ne fait aucun doute !

François-Xavier, est-ce que vous pensez que le rire peut encore réconcilier les individus dans une époque aussi tendue que la nôtre ?
Oui, je le crois, je l’espère en tout cas ! J’ai toujours eu un très large public, dans les choix de pièces ou de films que je fais. L’idée, c’est de réconcilier, du moins d’apaiser et de faire du bien. C’est d’autant plus important en ce moment, je pense.
Vous avez incarné des figures fortes au théâtre et au cinéma. Y a-t-il un rôle qui vous a obligé à regarder une part de vous que vous auriez peut-être préféré ignorer ou laisser de côté ?
J’ai toujours mis une grosse part de moi dans mes rôles. Je crois que le travail de l’acteur, c’est d’aller chercher en lui ce qui peut le rapprocher de son personnage. C’est de cette manière que l’on arrive à une interprétation sincère. J’aime bien aller jouer les méchants, parfois les types un peu sombres, un peu cyniques, comme dans L’Outsider de Christophe Barratier, ou dans d’autres films. J’ai très envie d’aller encore sur ce terrain-là, d’aller gratter un peu, de jouer des rôles de méchants.
Ça permet d’aller chercher le côté sombre de votre force…
Exactement ! J’ai très envie de rôles avec des personnalités troubles, des personnages ordinaires qui se révèlent extraordinaires dans des circonstances incroyables. J’aime ce cinéma des frères Coen où vous avez des gens ordinaires qui vont être capables d’une extrême violence parce que la situation les y pousse.
Vous avez un goût connu pour la gastronomie et pour les plaisirs de la table. Est-ce que bien manger et bien jouer relèvent au fond de la même démarche, celle de la sincérité ?
J’en suis persuadé. Les chefs que j’aime sont ceux qui se racontent dans l’assiette et qui y mettent une grosse part d’eux-mêmes. Dans le jeu, c’est la même chose. Et puis, est-ce que pour bien jouer, il faut bien manger ? C’est souvent après, au théâtre. Moi, j’aime bien jouer un peu affamé, mériter vraiment ma pitance. Avec la difficulté parfois en tournée de trouver des lieux ouverts et sympathiques. Heureusement, maintenant, les gens me connaissent un petit peu et savent que j’aime les bonnes choses, donc il y a toujours un restaurant qui reste ouvert pour nous, et là ça part souvent jusqu’au bout de la nuit !
Si vous pouviez écrire une scène de votre propre vie aujourd’hui, quelle serait-elle ?
Dans mon premier spectacle, je racontais cette reconversion complètement folle, les débuts difficiles, la rencontre avec Samuel Le Bihan, qui est devenu mon auteur et mon ami… Tout cela, je l’ai beaucoup raconté dans mes spectacles. J’ai l’impression de prendre des photos de tout ce que je vis, et je mets plus ou moins de temps à les développer, mais en tout cas dans mes spectacles, dans mes sketchs ou dans des saynètes, il y a toujours une grosse partie d’autobiographie. Quand je parle de ma fille de 18 ans qui m’appelle “frère”, c’est du 100 % réel !!!
Vous partez en tournée dans toute la France avec la pièce La Famille, est-ce un bonheur sincère ou parfois une galère ?
Cela me rend heureux effectivement de partir en tournée. C’est mon côté saltimbanque, c’est la roulotte quoi ! Avec une petite réserve aujourd’hui, c’est que je voudrais consacrer plus de temps à mes filles, et il est vrai que la tournée, par définition, représente beaucoup de nuits en dehors de la maison, mais cela reste un pur bonheur.
La rencontre avec votre épouse, Anaïs, originaire de Thuir, a été également une rencontre avec notre territoire. Ce sont deux coups de foudre, en fait, que vous avez vécus…
Je suis tombé amoureux d’une femme, et la vie n’était pas négociable ! Elle est très fière de son identité catalane et très attachée à sa terre. J’ai vite compris que si je voulais aimer cette femme, il fallait qu’il y ait une partie de notre vie qui soit liée au pays catalan. Et je n’avais pas compris que ce serait la totalité de notre vie ! Mais c’est un vrai bonheur de vivre ici. Ses amis d’enfance m’ont accueilli avec beaucoup d’amour, ainsi que sa famille. Quand elle a dit “on va acheter une maison proche de ‘la mer’”, je n’avais pas compris que c’était la sienne, de mère !!!
On habite à Thuir, et nous y sommes très heureux. C’est là que l’on a créé un festival, le Pelliculive, que vous connaissez bien, avec au programme du cinéma, de la musique live et de la gastronomie. Ce sont des moments fabuleux ! C’est vraiment un festival auquel nous sommes très attachés. Nous en préparons actuellement la sixième édition.

En 2018, un comédien, François-Xavier Demaison, et un sommelier, Dominique Laporte, se rencontrent et cela donne le domaine Mirmanda, situé à Vingrau, dans la vallée de l’Agly. Sept ans plus tard, où en êtes-vous avec ce domaine ?
Tout va très bien ! Petite production, l’année dernière, mais cette année belle récolte ! Nous faisons très peu de bouteilles, on est sur allocation aujourd’hui, et depuis deux ans nous travaillons avec l’œnologue de la Grange des Pères. On essaie de faire un vin que l’on aime, qui nous ressemble. Je voudrais être plus dans les vignes que dans les TGV, car c’est un grand bonheur d’être au domaine avec Dominique, dans la cave, dans les vignes… de voir le vin qui gagne en qualité et qui commence à être ce que l’on apprécie, ce que l’on respecte.
Au début, les gens se demandaient ce que l’on venait faire là, avec le pinard ! Et puis aubout de huit ans, ça roule bien. On le retrouve aujourd’hui sur des tables prestigieuses, chez Gilles Goujon, chez Emmanuel Renaut à Megève ou encore à La Tour d’Argent à Paris, quelle fierté !
Que gardez-vous comme souvenirs culinaires de votre enfance ?
J’ai deux régions phares. Ma mère est corse, donc j’ai baigné dans le brocciu avec une petite feuille de menthe. Et mon père, lui originaire de la Creuse, faisait un pâté aux pommes de terre incroyable ! Ma madeleine de Proust, ce serait cette odeur quand on coupait ce pâté aux pommes de terre, ce fumet, cette crème fraîche chaude… Comme des souvenirs d’enfance un peu enfouis.
Quel est votre meilleur souvenir de gastronomie ? Un moment, un endroit, une cuisine, un plat ?
Alors, sans hésiter, ici, au Cercle, j’ai goûté une aubergine dont je ne me suis pas encore remis ! Elle avait des saveurs asiatiques, une folie, une folie !
Beaucoup d’affaires se font autour de la table. Est-ce que vous avez une anecdote à nous raconter sur ces déjeuners professionnels ?
Je sais que mon père participait à beaucoup de déjeuners d’affaires, cela se fait moins aujourd’hui je crois. Il arrivait à midi, il repartait à 18 heures et, généralement le contrat était signé ! Au début, quelques producteurs m’ont invité, ils me faisaient un peu boire, puis ils voulaient me convaincre de mille choses dont je me méfiais un peu… Il fallait être vigilant !
Ce soir, vous décidez d’inviter au restaurant une personne qui vous est chère, où iriez-vous spontanément ?
Cercle, évidemment, mais pour de vrai ! C’est à 20 minutes de la maison, et vraiment le travail de Julien et de Magalie est exceptionnel ! On y vient souvent.
Quelle serait votre définition du mot “épicurien” ?
Quelqu’un qui fait un petit déjeuner, un déjeuner, un goûter et un dîner. J’appartiens clairement à cette catégorie !
Si vous ne deviez manger qu’un seul plat pour le reste de votre vie, lequel serait-ce ?
Je partirais sur une blanquette, du coup, parce qu’il y aurait du riz, des légumes, de la viande. J’adore la blanquette. Il y a des jours où je ne pourrais manger que champignons, riz. D’autres jours, je neferaisque de la viande. Le samedi soir, je mélangerais tout. Là, on est dans une logique de survie.
Si l’on arrive chez vous et que l’on ouvre le frigo, que va-t-on y trouver ?
Vous allez trouver un reste de ragoût aux petits pois, avec des saucisses catalanes et des carottes. Du fromage, aussi, beaucoup. On a de quoi survivre, mais bon, pas sur des mois.
Terminons sur un clin d’œil. Nous avons trouvé une lampe magique, nous l’avons frottée, et un génie est apparu. Vous avez la possibilité de dîner avec une personne de votre choix ce soir, vivante ou disparue, célèbre ou non. Avec qui allez-vous passer cette soirée ?
Cela fait 20 ans bientôt, mais aujourd’hui, avec mon engagement pour les Restos du Cœur, je dirais que j’aimerais bien dîner avec Coluche, je pense que je ne suis pas le seul
MERCI À MAGALIE ET JULIEN HERMIDA POUR LEUR ACCUEIL SYMPATHIQUE POUR CETTE INTERVIEW !














