ON A CUISINÉ… Clément Doumenc avec Franck Putelat

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Quand le rugby rencontre la gastronomie : d’un côté, Clément Doumenc, troisième ligne passionné et attaché à ses racines carcassonnaises ; de l’autre, Franck Putelat, chef doublement étoilé, artisan du goût et de la rigueur. Entre exigence, partage et amitié sincère, les deux hommes se retrouvent autour d’une même philosophie : aller toujours plus haut, mais “tout simplement”.

Clément, comment avez-vous rencontré Franck Putelat ?

Clément Doumenc : J’étais venu manger plusieurs fois chez lui, à Carcassonne. Il est très reconnu ici et bien au-delà. J’ai tout de suite aimé sa cuisine, mais également son histoire : ses origines, son parcours, son titre de Meilleur Ouvrier de France.

J’aime la cuisine, les chefs étoilés, leurs spécialités. Et j’ai apprécié le personnage : partir de rien, gravir les échelons, atteindre l’excellence. Je crois qu’il s’est un peu reconnu dans mon parcours aussi. On a vécu des trajectoires similaires : partir de bas et avancer pas à pas. C’est ainsi que l’on s’est liés d’amitié.

Et vous, Franck, quel regard portez-vous sur Clément ?

Franck Putelat : Son seul problème, c’est qu’il soit parti à Béziers ! (rires) À Montpellier, cela ne me gênait pas trop, mais là ! Non, je plaisante. Vous savez, l’amitié ne se construit pas sur des coups de fil. C’est une relation naturelle. Il y a des personnes avec lesquelles ça passe tout de suite, sans que l’on sache pourquoi. C’est le cas avec Clément. Quand il venait au restaurant, on prenait des photos dans la cuisine, on échangeait. Aujourd’hui encore, on s’envoie des petits messages avant ou après un match. Il y a toujours ce lien. Et puis, il aime la bonne bouffe. Et il y a ce parallèle entre nos univers : dans le rugby comme dans la cuisine, il faut savoir mener des hommes. Nous, nous allons au combat deux fois par jour, le midi et le soir. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est le même esprit d’équipe, la même exigence, la même envie de se dépasser.

La cuisine semble occuper une place importante dans votre vie, Clément…

Clément Doumenc : Oui, beaucoup. Je ne peux pas manger seul. Pour moi, le repas, c’est un moment de partage. Et forcément, quand on aime partager, on aime bien manger. C’est un plaisir simple, mais essentiel.

Quels sont vos premiers souvenirs de gastronomie ?

Clément Doumenc : Ce sont les plats du dimanche de ma mère : le poulet rôti, les pommes de terre, les plats réconfortants. Des plats simples, mais remplis de souvenirs. Chaque moment en famille passait par la table. La cuisine faisait partie de notre quotidien et de nos vrais plaisirs.

Cuisinez-vous, vous-même ?

Clément Doumenc : Oui, j’aime cuisiner, mais surtout pour les autres. Quand je suis seul, je ne fais pas forcément d’effort. Avec le sport, j’ai un régime à suivre, donc c’est souvent plus simple. Mais quand je reçois, là je me fais plaisir : des lasagnes, des gratins, des purées bien assaisonnées, de bonnes sauces… des plats de partage.

Comment le rugby est-il entré dans votre vie ?

Clément Doumenc : J’ai commencé à 11 ans, à Carcassonne. Auparavant, j’ai fait du judo et du foot, mais je m’en suis lassé. L’ambiance ne me plaisait plus. Je me suis inscrit au rugby, et je suis tombé amoureux du sport et de l’esprit d’équipe. J’ai gravi les échelons au club, et à 18 ans, je suis entré au centre de formation. À 24 ans, je suis parti à Montpellier, où j’ai joué deux ans en Top 14, puis j’ai rejoint Béziers.

Vous semblez être resté très attaché à Carcassonne…

Clément Doumenc : Oui, énormément. C’est au club que j’ai tout appris, que je me suis construit. J’aime les dirigeants, j’aime la ville, c’est là où j’ai grandi. Et j’ai toute ma famille ici. C’est important pour moi. C’est pour ces raisons que je ne suis jamais parti très loin. À Béziers, j’ai un petit appartement, mais je rentre presque tous les week-ends.

Quels sont vos plus beaux souvenirs de rugby ?

Clément Doumenc : Ma dernière saison à Carcassonne, sans hésiter. C’était la plus belle année sportive du club. J’étais capitaine, donc ça avait une valeur symbolique particulière, surtout dans mon club formateur. Il y a aussi mon premier match en Top 14, qui reste également un grand souvenir. C’est une fierté d’avoir joué au plus haut niveau.

Avez-vous des souvenirs gastronomiques liés au rugby ?

Clément Doumenc : Après chaque match, il y a les réceptions. On mange ensemble, c’est important dans la culture du rugby. Sinon, avec les coéquipiers, on fait souvent des repas d’équipe. Ce sont des moments conviviaux.

Comment décririez-vous la cuisine de Franck Putelat ?

Clément Doumenc : Franck dit souvent “tout simplement”, mais derrière cette simplicité apparente, il y a une technicité incroyable. Son melon-jambon par exemple. Deux ingrédients très simples, mais le résultat est exceptionnel : granité, chapelure de jambon, textures, saveurs… C’est beaucoup plus élaboré qu’il n’y paraît. Il sublime la base, et c’est ce que j’admire chez lui.

Et vous, Franck, comment décririez-vous votre propre cuisine ?

Franck Putelat : Pour moi, la cuisine doit rester lisible et compréhensible, même si derrière il y a du travail, des techniques, des textures. J’aime surprendre à partir de quelque chose de simple. Mais ce que j’aime surtout, c’est le partage, comme dans le rugby. Diriger une brigade, c’est un peu comme être capitaine d’équipe : il faut de la rigueur, de la solidarité, de la confiance.

Êtes-vous amateur de vin, Clément ?

Clément Doumenc : Oui, mais avec modération. J’aime surtout découvrir les vins de la région. Quand j’achète des bouteilles, je privilégie les domaines locaux. On a des terroirs incroyables ici, et ils méritent d’être mis en avant.

Comment votre saison actuelle au ASBH se déroule-t-elle ?

Clément Doumenc : Je suis blessé à l’épaule, je me suis fait opérer : quatre mois d’arrêt. C’est long, mais ça va mieux, je reviens bientôt. L’année dernière s’est bien passée globalement, même si c’était une période particulière : changement de club, de vie… Béziers a été racheté par un groupe sud-africain, donc ça bouge pas mal. L’ambiance est différente, mais je garde le cap. Je me suis engagé pour trois ans, il m’en reste deux. On verra ensuite selon les opportunités.

Vous êtes également ostéopathe.

Clément Doumenc : Oui, diplômé. J’ai travaillé deux ans à Carcassonne, en cabinet, en parallèle du rugby. Cela m’a permis de garder la main et d’avoir un équilibre. Et cette année, je passe aussi mon diplôme d’entraîneur. J’encadre les moins de 18 ans, et j’adore ça. La transmission me plaît vraiment. Les jeunes écoutent différemment quand c’est un joueur pro qui leur parle.

Qu’est-ce que le rugby vous a appris ?

Clément Doumenc : Beaucoup de choses : la rigueur, la discipline, la remise en question.

Et surtout à me concentrer sur ce que je peux contrôler. Quand ça ne va pas, je garde la tête dans le guidon et je travaille. Mais c’est important aussi de savoir s’aérer.

Avez-vous des rituels avant les matchs ?

Clément Doumenc : Oui, je suis très superstitieux. Le caleçon, les chaussettes, la musique… tout est millimétré. Je refais toujours le même trajet avant le match, au centimètre près, avec les mêmes morceaux dans les écouteurs. Et j’ai un rituel : je mange le même nombre d’amandes que le numéro que je porte. Si je suis numéro 6, j’en mange six ; si je suis remplaçant, dix-neuf (rires).

Franck, suivez-vous toujours le rugby ?

Franck Putelat : J’aime tous les sports, mais le rugby me parle particulièrement. Je regarde tout : Canal+, le samedi, le dimanche soir… Et j’ai pas mal d’amis dans ce milieu. Mathieu Babillot, de Castres, vient souvent dîner ici. Il sait qu’il peut venir tranquille, se poser, sans être dérangé. Chez moi, les sportifs trouvent un endroit où souffler un peu. Ils travaillent dur, font attention à tout – diététique, récupération, hygiène de vie… c’est un vrai métier.

Qu’est-ce qui vous fait encore vibrer aujourd’hui dans le rugby ?

Clément Doumenc : Gagner. J’aimerais remporter un titre, vivre cette émotion collective. C’est ce qui marque une carrière, ce qui reste. Je n’ai pas encore eu cette chance, mais j’y pense souvent. Parce qu’un titre, c’est une aventure humaine, des souvenirs qui restent présents toute une vie. Et évidemment, le rêve ultime, ce serait de soulever le Bouclier de Brennus. C’est le Graal de tout rugbyman. Mais au fond, que ce soit sur le terrain ou autour d’une table, c’est toujours la même chose : du partage et de la passion.